En guise de conclusion - Ceux qui sont restés hors de l'Académie

l est difficile pour un historien de décrire la période qui lui est contemporaine sans éprouver quelques états d'âme, qui ne seraient pas partagés par un autre que lui. Quoi qu'il en soit, l'aspect du tableau de l'astronomie française, au lendemain de la seconde Guerre mondiale, et avant la réforme de 1976-77, laisse à l'auteur de ces lignes plusieurs sentiments. Qui furent les acteurs académiciens de cette période ? Lyot, Esclangon, Fayet, Deslandres et Chazy siégeaient quand l'auteur de ces lignes est entré en astronomie. C'est Lyot qui présenta ses notes aux Comptes Rendus de l'Académie des sciences. Puis Jules Baillaud remplaça Lyot, Danjon remplaça Deslandres et Couder remplaça Esclangon. L'auteur était alors Maître de conférences. On vit ensuite entrer Lallemand, après le décès de Jules Baillaud, Fehrenbach remplacer le géophysicien Maurain, et Denisse remplacer Danjon. En somme, l'équipe de Danjon s'était substituée peu à peu à la vieille garde. À l'exception de Jean-François Denisse, tous les astronomes élus avant la réforme ont disparu.

e cette période d'après-guerre, une grande figure émerge évidemment, celle d'André Danjon. Ses contributions scientifiques sont de qualité, et ce fut un enseignant convaincant et rigoureux. Surtout, au lendemain de la seconde Guerre mondiale, Danjon est un administrateur aux vues très lucides sur l'avenir, ouvert aux idées et aux techniques nouvelles, mais impitoyable envers ceux qu'il juge médiocres. Conscient de l'importance pour les astronomes de s'entourer de bons physiciens, de bons opticiens, il recrute, entre autres, Couder, Lallemand, Fehrenbach. Il introduit en Sorbonne -c'était une nouveauté- l'astrophysique ; il fixe à Meudon et à la station de Nançay la radioastronomie ; il donne à la recherche spatiale l'élan qui lui manquait.
Il est clair qu'il faisait les élections, qu'il choisissait les directeurs des observatoires de province..., et les autres astronomes (membres du Conseil des observatoires ou de la section d'astronomie de l'Académie) n'avaient qu'à se plier à sa volonté.
Danjon fut le "pape" de l'astronomie française, -et un bon pape !-, réinstallant l'astronomie française aux premiers rangs, après une guerre dévastatrice, et le règne de médiocres et d'égoïstes… Après sa mort en 1967, ceux qu'il avait installés assurèrent un temps sa succession tant bien que mal. La loi Edgar Faure d'orientation des universités, en 1969, démonta ce système très (trop, sans doute) personnalisé. Cependant, un certain nombre de bons esprits, qui n'avaient pas eu l'heur de plaire à Danjon pour des raisons variées, ont contribué aussi de façon majeure au renom de l'astronomie française. Ce furent dans des domaines très différents : Mineur, Barbier, Chalonge, Rösch ou Kourganoff (qui auraient dû en être et n'en furent jamais), et d'autres... Est-ce une caractéristique des temps modernes ? Peut-être, dans la mesure où, de notre temps, la profession est si nombreuse qu'on ne peut faire entrer à l'Académie qu'un nombre très restreint de savants. Ce qui n'était pas le cas au XVIIe siècle.


André Danjon
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