AVIS INTER-ACADÉMIQUE - Amélioration de l'évaluation des projets utilisant des animaux à des fins scientifiques

En ligne le
05 mars 2025
AVIS INTER-ACADÉMIQUE - Amélioration de l'évaluation des projets utilisant des animaux à des fins scientifiques
05.03.2025
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Avis Interacadémique

(Académie nationale de Médecine, Académie nationale de Pharmacie, Académie des Sciences, Académie Vétérinaire de France)

L’utilisation des animaux à des fins scientifiques reste indispensable dans de nombreux domaines de recherche pour la protection de la santé humaine, animale et environnementale. Elle est régulée par le code rural et de la pêche maritime et repose sur la soumission d'un projet par un concepteur avant autorisation par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

En pratique, actuellement, l'évaluation des demandes d'autorisation de projet s'accompagne de délais importants, bien au-delà de celui prescrit par la réglementation. Elle suit des procédures lourdes qui peuvent entraver la recherche scientifique et médicale sans participer à l'amélioration de la protection des animaux.

Cet avis interacadémique vise à améliorer l'évaluation des projets utilisant des animaux à des fins scientifiques. Il souligne le besoin de simplification et d'harmonisation de l’évaluation des demandes d'autorisation de projets. Tout en rappelant que l'évaluation scientifique des projets est du ressort de comités experts issus des institutions scientifiques et des organismes financeurs, il encourage le renforcement du rôle des comités d'évaluation des projets pour la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques.

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Amélioration de l'évaluation des projets utilisant des animaux à des fins scientifiques 

Rappelant que : 

- L’utilisation des animaux à des fins scientifiques est régulée par le code rural et de la pêche maritime "Section 6 : Utilisation d'animaux vivants à des fins scientifiques (Articles R214-87 à R214-137)". 

- Les modalités de l'évaluation éthique sont fixées par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de la recherche et du ministre de la défense (Arrêté du 1er février 2013 relatif à l’évaluation éthique et à l’autorisation des projets impliquant l’utilisation d’animaux dans des procédures expérimentales et ses annexes, modifié par arrêté du 1er septembre 2021). 

- La protection des animaux utilisés à des fins scientifiques est une préoccupation permanente et majeure des équipes de recherche. 

Observant que : - En dépit des progrès considérables des méthodes d'études in vitro et ex vivo, le recours à l’animal utilisés à des fins scientifiques demeure indispensable dans de nombreux domaines de recherche, pour la protection de la santé humaine, animale et environnementale, 

- Il existe actuellement 89 comités d’éthique en expérimentation animale (CEEA) qui ont traité, en 2023, 2965 demandes d’autorisation de projet (DAP), dont 93,6 % ont donné lieu à un avis favorable. 

- Les étapes conduisant de la soumission d'un projet par un concepteur à son examen par un CEEA puis à son autorisation éventuelle par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) suivent un flux d'échanges hétérogène entre les CEEA et aboutissent souvent à une durée totale très supérieure au délai de 8 semaines imposé par la réglementation (de fait, 42% des avis ont été rendus hors délai en 2023). 

Considérant que : - La mission des CEEA est, en accord avec la Charte Nationale portant sur l'éthique de l'expérimentation animale, de mener une approche éthique appliquée (et non normative qui consisterait à créer des règles éthiques) reposant sur la règle des « 3R » (Remplacer, Réduire, Raffiner), la bientraitance des animaux, et l’enrichissement environnemental, thématiques sur lesquelles les comités d’éthique ont acquis une expertise importante (cf. rapport « Bilan annuel national d’activité des CEEA, 2022/2023). 

- Les bénéfices d'une recherche scientifique sont difficiles à évaluer a priori dans leur totalité. Au-delà de leur valeur intrinsèque, les résultats obtenus contribuent à un champ plus vaste et peuvent servir de terreau à un nouveau champ de recherche. 

- La Charte Nationale portant sur l'éthique de l'expérimentation animale (Code rural R214-134) précise que lors de l’évaluation éthique d’un projet, le CEEA analyse l’objectif du projet afin de 2 Version– JANV 2025 pouvoir apprécier l’acceptabilité éthique du choix du modèle, les procédures expérimentales et la méthodologie qui y sont liées. Il s'assure que cet objectif a été évalué mais il n'a pas pour mission de l'évaluer lui-même, un rôle qui revient aux comités scientifiques ou pédagogiques des institutions1 . 

- Il est important d’éviter d'alourdir des contraintes, notamment administratives, qui peuvent nuire à la performance et la compétitivité de la recherche européenne et française, si elles ne participent pas à l'amélioration de la protection des animaux. 

Recommande : 

1. De rappeler que ces comités n’ont pas à évaluer les objectifs scientifiques des projets qui leur sont soumis, cette évaluation étant du ressort des comités scientifiques des institutions et des organismes financeurs. 

2. De simplifier le document de demande d'autorisation de projet en évitant les redondances et en le raccourcissant. 

3. De rappeler le rôle prescriptif (et non normatif) des comités d’éthique en expérimentation animale. 

4. De favoriser l’utilisation de référentiels et de guides de bonnes pratiques, lors des évaluations éthiques, pour les procédures expérimentales et les évaluations de degrés de gravité. Cela nécessite de centraliser et diffuser des référentiels et guides de bonnes pratiques déjà existants. Ces documents doivent également jouer un rôle pédagogique et sont importants afin d’harmoniser les évaluations par les nombreux CEEA. Ces documents devraient également permettre de simplifier/accélérer les évaluations DAP, en limitant les échanges entre concepteurs et CEEA, si une procédure est menée selon un référentiel/guide de bonnes pratiques reconnu. 

5. De simplifier et harmoniser l’organisation pratique de l’évaluation des demandes d'autorisation de projet notamment les échanges entre concepteurs, Etablissement Utilisateurs (EU), CEEA, et MESR, au moyen d'un outil intégré permettant de tracer la totalité du processus depuis la soumission du projet par un concepteur jusqu'à son autorisation par le MESR, en passant par l'évaluation par le CEEA. Une telle organisation permettrait de suivre la durée réelle de la totalité du processus dont la loi fixe qu'elle ne doit pas dépasser 8 semaines. L’harmonisation des procédures de dépôts sera possible en publiant sur le site du MESR les règles/procédures de dépôt et de gestion des demandes d'autorisation de projet. Un tel système pourrait permettre de réduire les tâches administratives qui incombent aux CEEA. 

6. D'accroître les échanges entre CEEA et les concepteurs par de multiples moyens (visioconférences ou réunions présentielles, échange de documents, plateformes d’échanges, etc…) pour passer d'une logique de soumettant/jury à un esprit collaboratif, respectueux des expertises de chacun, permettant d'améliorer les protocoles expérimentaux au bénéfice des animaux et des objectifs du projet de recherche. 

7. De renforcer la visibilité et les actions des structures de gestion du bien-être des animaux, en y associant davantage des expérimentateurs et en validant les compétences de leurs membres.

8. De créer un outil informatique national permettant un retour d’expérience moderne, accessible notamment aux concepteurs.


9. De préciser le circuit des évaluations rétrospectives et leur mise à profit pour favoriser les 3R. 


10. D’inclure des concepteurs et des utilisateurs (chercheurs, toxicologues, industriels,..) et des sociétés savantes dans des échanges constructifs lors de l’organisation d’évolutions des procédures liées à l’utilisation des animaux à des fins scientifiques.


11. De remplacer le terme de "comités d’éthique en expérimentation animale" par "comités d’éthique et de protection des animaux utilisés à des fins scientifiques" afin de souligner leur rôle important pour la protection des animaux.

 1 https://www.enseignementsuprecherche.gouv.fr/sites/default/files/content_migration/document/Charte_nationale_portant_sur_l_ethique_de_l_experiment ation_animale_243579.pdf 3