Épidémiologie et Covid-19
Nos académiciens répondent aux questions que tout le monde se pose sur le thème de l'épidémiologie dans le cadre de l'épidémie de Coronavirus COVID-19.
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Comment explique-t-on que les populations européennes et d'Amérique du Nord semblent être les plus touchées par cette pandémie ? Quelles sont les hypothèses qui expliqueraient le relatif faible nombre de cas constaté en Afrique ?
Il n’y a pas d’explication encore définitive. Bien sûr, le fait que la distribution des âges soit bien plus jeune en Afrique qu’en Europe va dans le sens observé (pour mémoire, en France, chez les sujets hospitalisés seule une petite minorité, 5% des patients, ont moins de 44 ans).
Récemment, l’Académie nationale de médecine a piloté une étude apportant des résultats importants: sur la base de données comparatives recueillies de la même façon en zone tempérée (France et Italie), et en zone africaine intertropicale, sa conclusion est que les climats chauds ont un fort effet réducteur sur la transmission de SARS-CoV-2. -
Comment peut-on expliquer la disparité dans l'ampleur de l'épidémie au sein même de l'Europe ? Densité de population, politique de santé, pyramide des âges, système de santé etc.
Dominique Costagliola, dans son exposé lors de la séance exceptionnelle de l’Académie des sciences du 7 mai dernier, a traité ce problème (voir la video). Elle a souligné la difficulté d’effectuer des comparaisons solides entre pays, non seulement à cause d’importantes différences dans les données, mais également dans la façon dont elles sont prises en compte. Ces différences concernent :
• La taille des populations, la distribution d’âge, de sexe, de niveau socio-économique, la densité des populations
• L’exhaustivité des cas et des décès recensés (hôpital, EPHAD, ville) et son évolution au cours du temps
• La politique de dépistage/diagnostic de la maladie et son évolution au cours du temps
• La circulation du virus et l’existence de foyers (comme la réunion évangélique dans la Région Grand Est)
• La prévalence des différents facteurs de risque de formes sévères comme obésité, diabète, hypertension, problèmes respiratoires...
• L’organisation du système de santé -
Quel est le pourcentage de personnes infectées par tranche d’âge ?
Malheureusement, on ne connaît pas cette information : on sait que parmi les personnes infectées, la majorité (>80%) sont asymptomatiques, mais on a très peu d’informations sur elles. On connaît en revanche la distribution d’âge des personnes ayant été hospitalisées avec un diagnostic Covid-19 (voir ci-dessous ; bien entendu cette distribution est différente de la distribution de l’ensemble des cas (noter en particulier que les infectés plus jeunes sont plus souvent asymptomatiques).
Répartition des âges des 18 956 patients hospitalisés pour lesquels l’âge était renseigné
0-14 ans----1%
15-44 ans----4%
45-64 ans---19%
65-74 ans---21%
>75 ans-----56%
Source : Covid-19 : Point épidémiologique hebdomadaire, Santé publique France, 21 mai 2020
Remarque : ceci n’inclut pas l’immense majorité des patients EHPAD -
Quels sont les différents modèles de prévision concernant l’évolution de l’épidémie ? Quels sont les paramètres essentiels qui sont utilisés pour établir ces modèles ?
La plupart des modèles utilisent une méthodologie courante en épidémiologie des maladies infectieuses : ce sont des modèles compartimentaux dans lesquels on distingue en général 4 compartiments en ce qui concerne l’infection: S (Susceptibles, sujets pouvant être contaminés) ; E (Exposés, sujets qui ont été contaminés mais ne sont pas encore infectieux), I (Infectieux) et R (Recovered, constitué des personnes ayant été infectées, guéries ou décédées).
Les paramètres sont les taux de contagion (probabilité qu’un infectieux contamine un susceptible, combinant infectiosité et taux de rencontres) dans la population concernée, le taux de passage du compartiment I vers le compartiment R, la mortalité générale, éventuellement la natalité.
Ces modèles peuvent être plus ou moins complexifiés : par exemple, adopter une structure par âge dans les compartiments S, E, I et R. Ce qu’ils gagnent alors en réalisme est cependant souvent contrebalancé par la difficulté d’obtenir les données nécessaires (par exemple, les taux de contacts entre personnes de deux classes d’âge).
Certains modèles représentent la diffusion géographique de la maladie (en France, entre régions, ou dans le monde, entre pays). Là aussi, la difficulté est d’obtenir les données nécessaires, même si – en ce qui concerne la diffusion entre pays - on dispose maintenant de données précises des nombres de passages aériens entre n’importe quel couple d’aéroports du monde. -
Quelle occurrence prévoit-on pour les futures pandémies ?
Il n’est pas possible de faire une prévision fiable à ce sujet. On peut en effet faire des hypothèses plausibles très différentes : Si on prend l’exemple du SARS, on constate qu’il n’y a pas eu de nouvelle occurrence de cette maladie depuis l’épidémie de 2003. Si on prend l’exemple du MERS (dû aussi à un coronavirus), il s’est au contraire installé à bas bruit dans le Moyen-Orient et n’a pas disparu depuis l’épidémie de 2012.
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Le virus est-il saisonnier ?
L’étude publiée récemment par l’Académie nationale de médecine (25 mai 2020) conclut dans le sens d’une réponse positive ; cette étude reposait sur des données comparatives recueillies de la même façon en zone tempérée (France et Italie), et en zone africaine intertropicale (en savoir plus sur cette étude).
----> VOIR AUSSI LA FICHE EXPERT MODÈLES